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panique chez les collectionneurs
Le monde des collectionneurs de photographies vient d’être durement secoué en apprenant que de nombreux clichés de l’artiste surréaliste américain Man Ray, vendus ces dernières années comme des originaux à des prix conséquents aux enchères ou en privé, sont tout simplement des retirages.
Le scandale Man Ray, révélé ce mois d’avril par le magazine «Photo» et par le quotidien «Le Monde», menace de mettre à mal le marché mondial de la photographie devenu extrêmement florissant depuis une dizaine d’années car les collectionneurs savent bien qu’il ne s’agit là que de la partie visible d’un iceberg susceptible de provoquer une horrible catastrophe.
Explication : Concernant Man Ray et les photographes de son époque les retirages peuvent être effectués sur des papiers photographiques vierges produits entre les années 1920 et 1940. Ensuite, et pourvu qu’un faussaire soit en possession d’un négatif et bien au fait des techniques de travail de l’auteur, les vendre sur le marché ne représente plus qu’un jeu d’enfant. Les clichés les plus recherchés valant parfois plus de 500 000 francs l’unité et étant bien plus faciles à reproduire que des billets de banque dont la valeur faciale ne dépasse pas 500 francs en France. On imagine alors fort bien que des petits malins n’ont pas hésité à se lancer dans cette entreprise extraordinairement lucrative du retirage à profusion.
Bien des collectionneurs n’ignoraient pas les astuces des faussaires mais feignaient de croire à un trafic limité tout en tremblant à l’idée d’apprendre que certains clichés qu’ils avaient acquis n’étaient pas en fin de compte des originaux.
Certes, des rumeurs circulaient de ci de là mais le mieux paraissait de rester sourd à leur écho jusqu’au jour où un amateur grugé a porté plainte devant la justice française pour faux, usage de faux et escroquerie après avoir découvert que 78 photographies des années 1920-30 de Man Ray, achetées pour 10 millions entre 1994 et 1996, n’étaient que des retirages récents.
UN REVE BRISE
Werner Bokelberg, qui rêvait d’être le plus grand collectionneur de Man Ray au monde, aurait fait une superbe affaire avec ces 78 clichés dont certains auraient valu plus de 500 000 francs pièce - le célèbre cliché «Noire et Blanche» a notamment été vendu aux enchères 350,000 dollars en 1994- mais sa joie fut de courte durée puisqu’une analyse démontra que la plupart des épreuves avaient été tirées dans les années 1970 et qu’une vingtaine d’autres avaient été réalisées sur un papier commercialisé vers 1993.
Man Ray, né en 1890 et mort en 1976, fut un des maîtres du Dadaïsme et du Surréalisme tant en peinture qu’en photographie. Ce provocateur qui avait choisi la France comme terre d’accueil épousa son modèle Juliet qui, après sa disparition, géra plutôt mal l’ensemble de son œuvre avec l’aide intéressée de son frère, un ancien policier de New-York qui ne connaissait rien à l’art de la photographie.
Man Ray lui-même ne fut pas un homme d’ordre et ne se soucia pas de trier et d’inventorier correctement ses oeuvres ou de détruire certains négatifs qu’il ne voulait pas utiliser.
De plus, au dos de nombreuses photos il n’indiqua que la date de création et non celle du tirage, ce qui permit de laisser la porte ouverte aux abus constatés aujourd’hui.
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