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Le retour à la raison Date: Tuesday 07 December, 2004
Sommaire:
Film de Man Ray, 1923
Contenu:















Réalisation: Man Ray
Distribution: Kiki of Montparnasse (La femme nue)
Durée: 3; NB, muet
Aka: Return to Reason
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Un jour de juillet 1923, Tzara apporte à Man Ray une affichette annonçant une importante manifestation Dada , Le Coeur à Barbe, qui doit avoir lieu le lendemain soir au Théâtre Michel; l'affiche précise que Man Ray présentera un film. L'artiste a beau dire qu'il n'a pas de film, que les quelques plans déjà tournés durent à peine une minute, et que le temps manque pour faire davantage, Tzara réplique qu'un projecteur et un opérateur sont déjà retenus, et qu'il faut de toute façon présenter quelque chose. Il va même jusqu'ànsuggérer que la technique des "rayographes" - compositions photographiques produites sans appareil, en exposant des objets directement sur du papier sensible - pourrait s'appliquer à la pellicule cinématographique. Man Ray reconnaît que c'est possible, et promet d'essayer de préparer des images pour le lendemain.


Je me procurai un rouleau de pellicule d'une trentaine de mètres, m'installai dans ma chambre noire, où je coupai la pellicule en petite bandes que j'épinglai su ma table de travail. Je saupoudrai quelques bandes de sel et poivre, comme un cuisinier prépare son rôti. Sur les autres bandes je jetai, au hasard, des épingles et des punaises. Je les exposai ensuite à la lumière blanche pendant une ou deux secondes, comme je l'avais fait pour ses rayographes, inanimés.
Puis j'enlevai avec précaution le film de la table, débarrassai les débris at développai le film dans mes cuves. Le lendemain matin j'examinai mon ouvrage, qui entre-temps avait séché. Le sel, les épingles et les punaises étaient parfaitement reproduits, en blanc sur fond noir comme dans les clichés de rayons X. Mais les différentes images n'étaient pas séparées comme dans un film ordinaire. Ce que cela donnerait sur l'écran ? Je n'en avais aucune idée. J'ignorais aussi qu'on pouvait monter un film avec du scotch, aussi je collai simplement les bandes les unes aux autres.
J'ajoutai, à la fin, pour faire durer le film, les quelques séquences que j'avais tournées avec la caméra. Mais la projection ne durerait que trois minutes environ. Quoi qu'il arrive, pensai-je, ce sera fini avant que l'assistance ait le temps de réagir.
Au programme figuraient d'autres numéros destinés à éprouver la patience des spectateurs : ce qui était le but principal des dadaïstes.
J'entrai dans le théâtre quelques minutes avant le lever du rideau, apportai mon film à Tzara et lui dis qu'il devait le présenter, car il n'avait ni sous-titres ni légendes. J'appelai le film "Retour à la raison".


Le film de Man Ray est un rappel du fait que le cinéma, c'est vingt et quelques images par seconde, mariées à une pellicule de celluloïd. La raison nous montre en effet que la réalité, c'est l'illusion.
L'esprit d'avant-garde dont le film est imprégné reste tout à fait d'actualité : selon les mots que Man Ray attribue à Tristan Tzara : "il était temps de faire quelque chose (contre) toutes les idioties qui abondaient sur les écrans"...

Extraits de Man Ray, directeur du mauvais movies, Jean-Michel Bouhours (Editions du Centre Georges Pompidou, 1997)


 
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